Fermeture anticipée des écoles : inutile, absurde et surtout dangereuse

La fermeture des écoles maternelles et primaires une semaine avant Noël a été largement décriée, et à juste titre. Partant du principe que les enfants déscolarisés ne vont pas disparaitre ni rester chez eux, cette décision est très risquée sur un plan strictement sanitaire.

Tous les commentaires ont été faits sur la décision prise lors du dernier Codeco de fermer les écoles maternelles et primaires une semaine avant les vacances de Noël, soit le vendredi 17 décembre au soir. On ne les répétera pas ici, sinon pour pointer, en substance, qu’il s’agit de l’exemple typique d’un mauvais compromis à la belge. C’est-à-dire une tentative de voie médiane entre deux positions qui, loin de contenter tout le monde, n’arrange personne et ne présente aucune cohérence. Les positions de bases étaient les suivantes : d’un côté les experts du GEMS et le ministre de la Santé voulaient fermer les écoles 10 jours le plus vite possible ; de l’autre les ministres de l’Éducation ne voulaient pas fermer. On fermera finalement les écoles 5 jours, mais deux semaines plus tard. Prise en elle-même, cette décision est bien sûr totalement illogique, car de deux choses l’une : soit la situation est grave et urgente et alors il fallait fermer les écoles tout de suite, soit elle ne l’est pas et alors il n’est pas nécessaire de les fermer plus tard. Rappelons que nous en étions ici au troisième CODECO en trois semaines. Dès le second de ces conclaves, il était douteux que les mesures prises aient un réel effet sur la 4ème vague, puisqu’elles ne produiraient leurs effets qu’après le pic. Alors que celui-ci semble atteint aujourd’hui, il est devenu difficile de défendre l’impact d’une fermeture des écoles dans deux semaines sur la marche de l’épidémie.

Cette décision était donc inutile, préjudiciable à l’éducation des enfants, et ruineuse pour la crédibilité de la prise de décision politique. Mais elle est en outre potentiellement dangereuse en termes épidémiologiques.

Pour réaliser cela, il faut se souvenir que les enfants privés d’école ne disparaissent pas et, pour la majorité d’entre eux, ne vont pas rester une semaine devant un écran ou à lire des livres. Contrairement à beaucoup d’élèves du secondaire, les enfants plus jeunes sont incapables de s’occuper seuls durant une journée entière. Sachant que les parents travaillent, il y a fort à parier que les enfants déscolarisés iront voir d’autres enfants – qu’il s’agisse de voisins, de cousins, ou d’enfants d’amis de leurs parents – ou seront gardés par d’autres membres de leur famille, le plus souvent les grands-parents. La tendance à confier les enfants aux grands-parents sera encore renforcée par le fait qu’il s’agit ici en réalité d’anticiper d’une semaine des vacances durant lesquelles on rend visite à la famille. Il n’est pas nécessaire d’avoir un doctorat en épidémiologie pour réaliser que l’effet de ces contacts à haut risque avec des personnes fragiles est potentiellement désastreux.

Ceci l’est d’autant plus que, avec la fermeture des écoles, les enfants passeront d’un environnement relativement sécurisé et sous contrôle, à des contextes privés qui ne le sont aucunement : plus de masque ni de distanciation sociale et une aération totalement aléatoire. Une fois les écoles fermées, les contacts sont bien sûr moins nombreux, mais se font dans des conditions beaucoup plus contaminantes. Sauf à considérer que des parents qui (télé)travaillent vont garder eux-mêmes leurs enfants de primaire et maternelle pendant une semaine, ce qui relève de l’utopie. On peut douter du fait que les modèles mathématiques utilisés pour la prise de décision intègrent ces éléments. Ceux-ci considèrent en effet tous les contacts comme équivalents, d’où l’injonction irréaliste de « diminuer les contacts sociaux », alors que le problème n’est en réalité pas le contact lui-même, mais sa dangerosité. Dangerosité qui dépend elle-même du caractère vulnérable ou non des personnes présentes, mais aussi des conditions plus ou moins contaminantes dans lesquelles le contact se fait. Rappelons que la majorité des contaminations Covid ne se font ni à l’école, ni sur le lieu de travail, mais dans la sphère privée.

Il ne fait aucun doute que le risque est plus élevé si, au lieu d’aller à l’école, les enfants par leurs grands-parents. Mais penchons-nous sur la possibilité de voir les parents regrouper leurs enfants avec ceux de leurs amis, de leurs voisins, ou d’autres membres de la famille. On est ici dans un autre risque, qui correspond précisément à ce que l’on veut éviter en termes épidémiologiques : mélanger les bulles. Après avoir gardé celles-ci à peu près constantes en les limitant à l’école et au cadre familial durant des mois, on effectuerait ce grand mélange juste avant les fêtes et la rencontre avec des personnes à risques. Une catastrophe potentielle. Pour en arriver là, il a fallu considérer que, parce que de nombreuses contaminations se font à l’école, c’est l’école qui est le problème et qu’il suffit de fermer celles-ci pour le résoudre. Un raisonnement on ne peut plus simpliste, qui rappelle ces médecins du Moyen-Âge désignant le lit comme un lieu particulièrement dangereux puisque c’était là que l’on mourrait le plus souvent. En réalité s’il y a des contaminations à l’école, c’est que les enfants y sont. Et fermer les écoles ne les fait ni disparaître, ni cesser tout contact, que ce soit avec des adultes ou avec d’autres enfants.

On remarquera par ailleurs qu’il y a bien longtemps que l’on n’observe plus de « refroidissement » de l’épidémie (pour reprendre le terme utilisé par le GEMS) à l’occasion des fermetures d’écoles que représentent les vacances scolaires. Ainsi les dernières vacances de la Toussaint n’ont produit aucun effet bénéfique. Au contraire, le fort rebond de la vague actuelle a été observé dès la fin de celle-ci, laissant à penser que bon nombre de contaminations ont eu lieu durant ces vacances. Au printemps dernier, le reconfinement partiel avait conduit, comme prévu aujourd’hui pour Noël, à fermer les écoles trois semaines. Le résultat était très loin d’être concluant, comme le pointait l’article de la RTBF à l’époque. Concernant le sujet qui nous intéresse, celui-ci pointait :

« La fermeture des écoles, par exemple, pourrait ne pas avoir eu l’effet escompté si les élèves ont justement profité de cette semaine supplémentaire de congé pour se voir dans des conditions moins contrôlées que le cadre scolaire. On voit d’ailleurs que l’augmentation du taux de positivité est la plus marquée chez les 10-19 ans. »

Concernant les vacances d’été, on peut citer l’étude menée par la KUL relative à l’immunité acquise chez les enfants scolarisés à l’école primaire. Celle-ci était de 15,4% en mai-juin contre 26,6% en septembre de cette année. En l’espace de trois mois, dont deux mois de vacances, la proportion d’enfants ayant été en contact avec le virus a donc augmenté de 72% ! Difficile que les contacts diminuent lorsque les écoles sont fermées.

De quoi en conclure que les écoles sont peut-être l’endroit le plus sûr où mettre les enfants pour limiter la circulation du virus. À moins bien sûr de tous les enfermer à double tour chez eux.

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