Les écoles, l’expert et le politique

Les classes primaires et maternelles rouvrent en Belgique, officiellement du fait de nouveaux éléments scientifiques concernant le risque couru par les enfants et leur faible rôle de transmetteur du Covid-19. Or aucune découverte fondamentale n’a été faite à ce sujet depuis la fin du mois d’avril, soit au moment où l’on a décidé d’imposer des mesures particulières strictes à l’accueil des élèves. Le revirement observé s’explique en réalité pour des raisons politiques. Il augure peut-être un changement dans la relation entre politique et experts à propos du déconfinement.  

Les écoles maternelles belges ont donc rouvert leurs portes ce matin. L’ensemble des classes de primaire suivront lundi prochain. J’ai trop défendu cette évolution pour ne pas saluer cette décision courageuse. Il est assez rare de voir les politiques opérer un tel revirement, et ainsi reconnaître implicitement leurs erreurs. Avec un peu de recul, elle était pourtant la seule décision rationnelle, au vu du faible rôle des enfants en tant que transmetteur de la maladie et du risque quasi nul qu’ils encourent face au Covid-19. La question à poser est plutôt la suivante : pourquoi une décision aussi lourde intervient-elle si tard ?

Rappelons d’abord à quel point la décision est lourde, à la mesure d’un revirement fondamental. Le protocole imposé aux écoles belges était en effet draconien. La check-list globale des mesures à respecter en pointait aux alentours de 150, ce qui fit dire à un directeur d’école qu’il s’agissait de « respecter des règles sanitaires pratiquement plus importantes que dans les hôpitaux ». En l’espace de quelques jours, les contraintes à respecter sont devenues, comparativement à ce qui était demandé, on ne peut plus minimes. On comprend donc la frustration des directions et des enseignants, contraints à développer des trésors d’imagination et d’organisation pour ensuite se faire expliquer que, tout compte fait, ces précautions n’étaient pas nécessaires.

La justification officiellement donnée est reprise dans un communiqué de la Première ministre : « les connaissances relatives au virus se sont étoffées ces dernières semaines au sein de la communauté scientifique internationale. Par ailleurs, les experts du GEES indiquent que les études ainsi que l’expérience acquise dans différents pays montrent que les enfants seraient, d’une part, moins affectés par le virus et, d’autre part, moins contagieux. »

Risque pour les enfants et contagiosité : rien de nouveau depuis le 24 avril

Il est tout à fait vrai que les données disponibles à ce sujet ont évolué depuis que l’épidémie de Covid-19 s’est abattue sur l’Europe. Mais les éléments concernant tant le risque quasi nul pour les jeunes enfants que leur faible contagiosité sont connues depuis bien longtemps.

Ainsi, le caractère bénin du Covid-19 pour les enfants de moins de 12 ans est établi dès le mois de mars. L’une des études de référence à l’époque l’établit clairement. C’est en tenant compte de ces éléments que les Pays-Bas ont décidé, dès la mise en place de leur « confinement intelligent », de permettre aux enfants de moins de 12 ans de jouer ensemble en extérieur. Le gouvernement néerlandais justifiait clairement cette décision par le fait que ces enfants n’avaient rien, ou très peu, à craindre de la maladie. Les autorités néerlandaises ont été parmi les rares en Europe à avoir communiqué cet élément rassurant pour les parents. En l’absence d’une telle communication gouvernementale, la psychose a fait son œuvre, en Belgique comme ailleurs. Je me souviens encore des quelques réactions violentes à mon encontre lorsque j’avais osé pointer, dès le 4 avril, la faible dangerosité du virus pour les jeunes enfants. À ma connaissance, la première communication publique rassurante à ce sujet a été faite en Belgique seulement le 16 avril (Emmanuel André lors du point presse quotidien). Entre-temps, et même depuis lors, les rares cas d’enfants décédés du Covid-19 ont fait le tour du monde, sans que les médias ne prennent la peine de mentionner leur caractère exceptionnel. On peut se demander si rassurer les parents belges a été un objectif des autorités. Si c’est le cas, ce fut en tout cas un échec.

Le fait que les enfants soient pas ou peu contagieux a en revanche mis plus de temps à être établi. Mais l’état des connaissances à ce sujet était globalement le même à la fin du mois d’avril, c’est-à-dire lorsque le GEES a imposé des mesures draconiennes pour une réouverture des écoles. Ainsi, dès le 24 avril, le Dr Nathan Clumeck expliquait que, alors que l’on pensait au début de l’épidémie que les enfants étaient des vecteurs de contamination, on sait aujourd’hui qu’ils le sont pas ou peu (voir cette vidéo, à 31:05). Ce sont exactement les mêmes termes et les mêmes arguments qui sont employés aujourd’hui pour justifier la réouverture des écoles. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Nathan Clumeck n’est pas n’importe qui, mais rien moins que le découvreur du sida en Afrique. Il avait fait des propositions intéressantes et précoces au début de la présente crise. Mais apparemment il n’a l’oreille ni de nos dirigeants, ni des experts du GEES. Ces derniers n’étaient apparemment pas non plus au courant des arguments ayant conduit, en France, aux Pays-Bas, et dans la plupart des pays européens, à rouvrir en priorité les maternelles et les primaires. Ces arguments étaient là aussi exactement les mêmes que ceux avancés aujourd’hui : les enfants n’ont rien à craindre, ils sont peu contagieux et, statistiquement, leurs parents sont jeunes et donc d’autant moins à risque.

Esprits confinés et frontières mentales

Comme déjà mentionné, les Pays-Bas avaient déjà permis les contacts entre enfants de moins de 12 ans durant le confinement. Sachant que l’on n’y avait pas constaté de contamination particulière des parents, on a logiquement fait rentrer ces mêmes enfants en classe de manière prioritaire. Mais cette observation capitale concernant les enfants n’avait manifestement pas passé la frontière belgo-néerlandaise. À la mi-avril, j’avais tenté d’attirer l’attention sur l’exemple du confinement hollandais, à la fois moins restrictif et tout aussi efficace. Sans grand succès auprès des décideurs. Prendre en compte ce qui se passait chez nos voisins aurait pourtant fait gagner un temps précieux aux enfants et au personnel enseignant.

Les éléments avancés en France pour justifier la réouverture des écoles furent tout autant ignorés. Ils furent pourtant nombreux et approfondis. Le 13 mai, soit juste après la réouverture, dans les faits très partielle, des maternelles et primaires, les présidents de 20 sociétés savantes de pédiatrie intervenaient pour défendre une ouverture plus large. Il ne semble y avoir eu aucune prise en compte en Belgique de cette prise de position, parue presque une semaine avant celle de leurs homologues belges.

Mais regarder vers la Suisse nous aurait fait gagner beaucoup plus de temps. En effet, dès le 27 avril, on y poussait la logique de la non-contagiosité des enfants jusqu’à privilégier les contacts des personnes âgées avec leurs petits-enfants et non leurs enfants. Seule la génération des parents était considérée comme contagieuse. Dans cette courte interview, Daniel Koch, « Monsieur coronavirus » de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), défend cette décision de manière approfondie et argumentée. Il semble que personne en Belgique ne fut au courant de cette mesure à la fois précoce et révélatrice. On ne s’est pas davantage soucié de vérifier auprès des autorités suisses si l’on n’assistait pas à une contamination de ces grands-parents.

Apparemment le confinement n’a pas seulement rétabli les frontières physiques en Europe. Il a également dressé des barrières mentales qui ont conduit nos experts et nos politiques à largement ignorer ce qui se disait et se faisait dans les pays voisins.

Car au-delà des argumentations et des échanges possibles, la simple observation des mesures prises à l’étranger et de leurs conséquences aurait pu permettre de préparer la réouverture des écoles beaucoup plus tôt. Ainsi le Danemark a rouvert ses classes maternelles et primaires dès le 27 avril (sans masque pour les enseignants). Si l’on compte 14 jours d’incubation, on aurait ainsi pu constater dès le 11 mai que cette rentrée précoce n’avait entraîné aucun rebond de l’épidémie ni contamination. Le GEES cite bien le Danemark comme exemple pertinent pour appuyer un retour des jeunes enfants à l’école. Mais le fait que ceci soit fait seulement quatre semaines après la rentrée là-bas montre bien qu’il a fallu que les pédiatres leur avancent cet exemple pour qu’ils le prennent en compte.

La France est un cas peut-être plus intéressant, car plus proche de la Belgique en termes de taux de contamination. Nos voisins ont en effet opéré un déconfinement de grande ampleur et surtout très peu étalé dans le temps. Ainsi c’est le 11 mai qu’avaient lieu à la fois une large reprise du travail en présentiel, la rentrée des écoles maternelles et primaires, et la fin du confinement au sens strict, c’est-à-dire l’obligation de rester chez soi. On se souvient de ces images de métros remplis de personnes qui, bien que masquées, risquaient de se contaminer vu leur proximité. Il aurait donc été très intéressant d’observer de près la France pour guetter un éventuel rebond de l’épidémie. Des échanges de données avec les autorités françaises auraient permis de rassembler des éléments permettant de préparer un déconfinement plus rapide. Les premiers éléments pertinents auraient certainement pu arriver une semaine à 10 jours après ce 11 mai qui a vu la France redémarrer de manière massive. Même si la décision finale aurait pu n’intervenir à J+14, on aurait préparé les acteurs à cette perspective. Mais il n’est apparemment venu à l’idée de personne de profiter du fait que nos voisins prenaient de l’avance pour observer l’évolution de l’épidémie chez eux.

Il apparaît difficile d’expliquer cette sorte de confinement mental qui a conduit à ne pas tenir compte de ce qui s’est passé à l’étranger. Mais il faut surtout constater que le GEES n’a été aucunement proactif pour accélérer le déconfinement en utilisant les données dont il pouvait disposer. Même lorsque les pédiatres belges ont publié leur appel à la réouverture des écoles, on n’a pas connaissance que nos experts en charge du déconfinement aient commencé à revoir leur stratégie. C’est lorsque les politiques, et en premier lieu le gouvernement flamand, ont manifesté la volonté de rouvrir les écoles que les choses ont avancé. Sans cette volonté politique, il est probable que l’on s’en serait tenu au plan initial. La meilleure preuve en est le délai de prise de décision. L’appel des pédiatres date du 19 mai et la décision de modifier les règles imposées aux écoles ne tombe que le 27 au soir. Rappelons que les pédiatres n’avancent dans leur intervention aucune donnée scientifique qui n’était disponible auparavant.

La question de la charge virale des enfants : décider sur base des faits ou de la controverse scientifique ?

Une étude cosignée par le célèbre virologue allemand Christian Drosten avait semblé remettre en cause d’une faible contagiosité des enfants. Celle-ci concluait que la charge virale des enfants infectés était comparable à celle des adultes. En conséquence, ils devaient logiquement être tout aussi contagieux et il convenait d’être très prudents dans la réouverture des écoles. Dans un thread twitter, Marius Gilbert justifie le changement de position par la publication de deux articles scientifiques remettant en cause les conclusions de l’étude du Dr Drosten. On suppose donc que cette étude, qui fut très rapidement critiquée, fut une des raisons qui ont poussé les experts du GEES à avoir une attitude aussi restrictive envers la réouverture des écoles.

C’est ici qu’il est intéressant de lire en détail la courte mais riche interview de Daniel Koch, tant elle révèle une approche différente dans la prise de décision. Concernant celle d’autoriser les grands-parents à voir leurs petits-enfants, on lui objecte bien sûr la question de la charge virale. Voici sa réponse :

« Les études allemande et genevoise que vous évoquez ne concernent pas la propagation du virus. Ce qu’elles disent, c’est que les enfants malades ont une charge virale similaire à celle des adultes. Cela ne prouve pas qu’ils transmettent la maladie et qu’ils entretiennent la maladie, même s’il peut toujours exister des exceptions. Pour moi, il est évident que les enfants sans symptômes ne transmettent pas la maladie. (…) Pour les enfants malades avec symptômes, on ne sait pas, cela reste une possibilité. Mais jusqu’à présent, les études ne font pratiquement pas état de cas de contamination d’adultes par des enfants. »

En d’autres termes, on observe bien que les enfants sont peu ou pas contaminants. Le fait qu’il y ait une charge virale identique est étrange, mais ne remet pas en cause ce qui a été observé de manière empirique. Remettre en cause le caractère pas ou peu contaminant des enfants en raison d’une charge virale identique consiste à adopter le biais de raisonnement suivant : nier la réalité d’un phénomène scientifiquement observé parce que l’on n’en comprend pas tous les tenants et les aboutissants. C’est bien sûr le rôle du scientifique de remettre en cause les idées acquises et de comprendre le fonctionnement des phénomènes que l’on observe. Mais pas de déduire d’un manque de compréhension que la donnée observée est fausse. Ce biais est d’autant plus dangereux lorsque l’on est face à une maladie, comme le Covid-19, inconnue il y a encore quelques mois et dont on ignore encore beaucoup. Dans ces conditions, il est essentiel d’accepter une part d’incertitude et de prendre des décisions en fonction de phénomènes observés empiriquement même si on ne les comprend pas encore totalement.

La faillite des modèles épidémiologiques

C’est aussi de cette manière que je justifiais, en préambule de mon étude comparative entre les confinements belges et néerlandais, l’intérêt d’une approche empirique basée sur l’observation comparée des situations dans les différents pays européens. Dans une situation de crise et face à une menace dont on est loin de tout connaître, il est nécessaire de prendre des décisions sur base de données imparfaites et parfois non validées (ou en attente de validation). Les modèles mathématiques en sont incapables, car une seule donnée erronée peut conduire à des résultats totalement divergents par rapport à la réalité. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer le fait que la plupart des modélisations prédisant le nombre de morts du Covid-19 se basaient sur un taux de létalité compris entre 2 et 5%. Or on sait aujourd’hui que ce taux est compris entre 0,5 et 0,8%[1]. L’autre risque que je pointais est que, devant disposer de données très précises, ces experts repoussent le déconfinement jusqu’à ce qu’ils en disposent. Or obtenir des données suffisamment fiables selon les critères de ces scientifiques prend énormément de temps. Un temps que l’on ne peut se permettre de prendre en situation de crise et lorsque toute la société est à l’arrêt. C’est précisément ce problème qui s’est manifesté concernant les écoles. Si le plan de déconfinement belge est si lent et incertain, c’est parce que les données précises et sûres manquent. Il est donc nécessaire de prendre les décisions sur d’autres bases.

Les modèles épidémiologiques ne sont donc que très partiellement pertinents en tant qu’aide à la décision, en tout cas pour le sujet qui nous intéresse. Mais il faut surtout constater que la réalité de l’évolution de l’épidémie est totalement divergente par rapport à ce que prévoyaient ces modèles. Obsédés par la crainte d’une deuxième vague qu’ils laissaient présager, on a préféré un déconfinement très lent et par étape. Or malgré le déconfinement parfois très rapide, comme en France, la force de l’épidémie ne cesse de baisser. Si le déconfinement a si peu d’impact, on peut raisonnablement s’interroger sur l’effet du confinement pour endiguer l’épidémie. Il semble qu’il y ait en réalité un ou plusieurs phénomènes à l’œuvre, largement indépendants de la politique de confinement/déconfinement, et que les modèles épidémiologiques n’ont pas intégrés. On peut en citer deux possibles : le caractère saisonnier de l’épidémie et l’immunité croisée. Le premier consiste simplement à penser que, comme la grippe, l’épidémie de Covid-19 perd de sa vigueur voire disparaît avec la hausse de température et le retour d’un temps sec et ensoleillé. L’immunité croisée consiste quant à elle à penser que les personnes ayant résisté à d’autres virus ont développé une immunité au Covid-19. Nous serions dès lors dans une situation proche de l’immunité collective, même si très peu de personnes ont précisé été en contact avec le Covid-19. Mais peu importe ces explications, l’important est que ce ne sont que des hypothèses, et que l’on est pour l’instant pas véritablement capable d’expliquer une telle baisse de l’épidémie. Avec ces nouvelles inconnues qui se rajoutent, donner un quelconque crédit aux prévisions issus de modèles relève de la croyance pure.  

On doit donc faire avec des indices et des données imparfaites. Les politiques sont, comme n’importe quel dirigeant, tout à fait capables de prendre des décisions sur base de telles données. En réalité, ils font cela à longueur de journée. Mais ce n’est pas forcément le cas des scientifiques, en particulier ceux qui s’appuient non sur l’expérience mais sur des modélisations mathématiques.

Dans son interview, Daniel Koch présente une toute autre manière de prendre les décisions. Tout d’abord, il fait confiance aux pédiatres : « Les pédiatres infectiologues, qui sont les mieux placés pour parler des enfants, et avec qui nous avons échangé, soutiennent notre décision ». C’est aussi le cas de la Société suisse de pédiatrie (SSP). » Pour rappel, cet interview date du 1er mai. En Belgique, il a fallu attendre que les pédiatres sortent publiquement pour que leur avis soit pris en compte. D. Koch justifie de s’appuyer sur l’avis des pédiatres, par une simple phrase, d’une grande importance : « En science, ce n’est jamais un unique élément qui prend le dessus ». À méditer par nos experts belges, dont on a l’impression que la seule donnée à prendre en compte pour le déconfinement était l’évolution du nombre d’admissions dans les hôpitaux. Mais une autre phrase est encore plus fondamentale. Au journaliste qui lui fait remarquer que la non-contagiosité des enfants n’est pas prouvée scientifiquement il répond  : « Il ne faut pas inverser la recherche de la preuve. » En d’autres termes, on interdit lorsque l’on a des preuves qu’une attitude ou un acte sont dangereux. Pas quand on n’est pas à 100% certain que tout danger est écarté. On aurait aimé que ce raisonnement soit suivi dans d’autres pays – dont la Belgique – où l’on a poussé le principe de précaution jusqu’à un niveau absurde et en réalité dangereux si l’on considère un ensemble de critères. En effet, on a souvent semblé considérer le confinement – et toutes les fermetures et interdictions associées – comme un état normal, dont on ne pouvait sortir que si l’on avait la preuve que toute évolution pouvait se faire sans risque de reprise de l’épidémie.

Le retour du politique ?

Dans une chronique, j’avais pointé la situation particulière dans laquelle les politiques belges s’étaient eux-mêmes placés : une dépendance extrême à l’égard d’un nombre limité d’experts, regroupés au sein du Groupe d’experts sur l’exit strategy (GEES). Non seulement ceux-ci avaient un pouvoir exorbitant, mais la composition du groupe pose véritablement problème. Il y eut très vite des critiques concernant l’absence d’experts provenant des sciences humaines (sociologue et psychologues notamment). Mais le plus grave est peut-être le fait que les experts du volet santé proviennent uniquement du milieu hospitalier ou soient des virologues ou des épidémiologistes. Pas de pédiatres, encore moins de psychologues, de psychiatres ou de médecins généralistes. Un tel problème aurait pu être surmonté si les experts mandatés par le gouvernement consultaient ces secteurs et prenaient en compte leur avis – que ce soit pour en faire la synthèse ou relayer vers les politiques. Mais ce n’était apparemment pas le cas. Pour se faire entendre, les pédiatres ont dû s’adresser directement au public et aux politiques. Le fait que les pédiatres aient finalement été écoutés augure peut-être un changement de fonctionnement et une évolution des pouvoirs dans la politique de déconfinement.

Jusqu’à présent, les responsables politiques belges avaient quasiment délégué leur pouvoir de gestion du déconfinement au GEES. Ils adaptaient ses recommandations mais sans jamais remettre en cause l’approche. Surtout, le GEES semblait être le comité d’experts dont l’avis était déterminant. Dans la décision de rouvrir les maternelles et primaires, le politique a repris un rôle classique qu’il n’aurait jamais dû quitter. Il consulte une multitude d’experts de disciplines diverses, et tient compte de leur avis pour prendre une décision à la fois libre et éclairée. Caroline Désir a très clairement assumé cette responsabilité politique au journal du soir de la RTBF, le lendemain de la décision de réouverture des écoles. Par ailleurs, on dit désormais décider en fonction de l’intérêt des enfants et de leur santé mentale. Tant le spectre des experts pris en compte que les préoccupations ont donc été considérablement élargis. L’importance accordée à la santé mentale est de loin l’élément potentiellement le plus important. Elle a été jusqu’à présent largement négligée pour se concentrer sur le volet biologique de la santé. Si la santé mentale avait été considérée dès le début de cette crise, le confinement aurait certainement été très différent, et le déconfinement beaucoup plus rapide. Toujours est-il que le politique reprend donc ici son rôle. Dans le cas présent, le politique a confronté les avis des pédiatres et du GEES, puis a conduit ce dernier à réviser sa position concernant les règles à respecter pour le retour à l’école. Si l’on avait fait le même exercice il y a un mois, les classes de primaires et maternelles seraient rentrées depuis déjà quelques semaines. Mais à la fin avril, le GEES était la seule référence.


[1] Dans le même temps en Belgique, on avançait un taux de létalité de 10% qui pourrait aller jusqu’à 20%. En réalité, ce taux absurde est calculé non par rapport au nombre total de personnes atteintes par le virus mais en fonction de celles qui ont passé un test.

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